Un lotus pour vous toutes et tous
Michel
Agir sur soi afin d'agir dans la société, consommer autrement, agir par la consommation,
devenir consom'acteur pour ne plus être (con)sommateur...
devenir consom'acteur pour ne plus être (con)sommateur...
Le dix-septième Gyalwang Karmapa, Orgyen Trinley Dorjé, est le chef spirituel de la tradition Karma Kagyü. Il est né en 1985 dans une famille nomade de la province du Kham au Tibet. Reconnu par le Dalaï-Lama, il fut intronisé au monastère de Tsurpou en 1992. Au début de l'année 2000, il s'enfuit en Inde où il réside depuis à Dharamsala. Le dix-septième Karmapa est connu pour ses engagements écologiques et pour le végétarisme. Lors du Kagyü Monlam, le festival des prières pour la paix dans le monde, de fin décembre 2007 à Bodhgaya, il s'adressa à l'ensemble des moines de la tradition Kagyü sur l'urgence environnementale. Ce texte retranscrit la plus grande partie de son allocution. Traduction française Daniel Roche, d'après la version anglaise de Ringou Tulkou Rinpoché et de Karma Choephel.
Depuis que l’espèce humaine est apparue sur cette Terre, nous l’avons abondamment exploitée. On dit que 99 % des ressources mondiales proviennent du milieu naturel. Nous sommes en train d’épuiser la Terre. La Planète nous a prodigué d’infinis bienfaits, mais qu’avons-nous fait pour elle ? Nous ne cessons de la mettre à contribution mais sans jamais rien lui donner en retour. Nous n’avons jamais de pensées aimantes ou protectrices envers elle. Chaque fois qu’un arbre ou une plante quelconque pousse, nous l’abattons. Nous nous disputons la moindre parcelle de terre. Le cycle ininterrompu de guerres et de conflits pour se l’approprier continue de sévir. Somme toute, nous n’avons pas fait grand chose pour la Terre. Le temps est venu où la planète se fait menaçante, le moment est venu où elle nous abandonne. Elle est tout près de nous maltraiter et de nous abandonner. Si elle nous délaisse, où pourrons-nous vivre ? On parle de se rendre sur d’autres planètes où la vie serait possible, mais cela ne concernerait que quelques personnes fortunées. Que se passera-t-il pour toutes les formes de vie qui ne pourront être du voyage ?
Que devons-nous faire maintenant que la situation est devenue si critique ? Les êtres vivant sur Terre et les éléments du monde naturel doivent se donner la main. La Terre ne doit pas abandonner les êtres vivants et les êtres vivants ne doivent pas abandonner la Terre. Chacun doit tenir la main de l’autre. Le symbole du Monlam ne ressemble-t-il pas à deux mains qui se serrent l’une l’autre ?
Sa forme ressemble au motif du drapeau de paix et de sérénité que vit en rêve le seizième Gyalwang Karmapa et que l’on utilise régulièrement chez les Karma Kamtsang. Si je l’avais entièrement créé moi-même, je doute qu’il aurait une quelconque action bénéfique, mais utiliser le motif du précédent Karmapa comme modèle pourra sans doute nous offrir cette bénédiction. C’est un symbole du Kagyü Monlam que nous utilisons pour le bénéfice du monde entier. Nous n’abandonnerons pas la Terre ! Puisse la paix régner sur Terre ! Puisse la Terre se perpétuer pendant des millénaires ! Telles sont les prières que nous faisons lors du Kagyü Monlam, et c’est pourquoi ce symbole est l’emblème du Monlam. Je pense qu’il pourrait aussi devenir un emblème pour ceux qui ont de la tendresse pour la Terre et qui veulent la protéger.
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Ces derniers temps, les températures de la planète ont augmenté de façon spectaculaire, ce qui a mis gravement en danger le monde lui-même. Autrefois, nous, les Kagyüpas, n’avions pour demeures que des refuges de montagnes isolés, grottes ou cabanons de pierre – des refuges agréables – et il n’était pas besoin de faire des travaux, de creuser le sol, d’abattre quantité d’arbres ou d’exploiter des carrières. Mais par la suite, soit du fait de leur activité grandissante au profit des êtres et des enseignements, soit parce que, comme dit le proverbe, « Plus vous méditez sur le mahâmudrâ, plus vous devenez actifs », les méditants du mahâmudrâ devinrent trop occupés. Ceux qui étaient censés suivre le chemin de la lignée de pratique dans des lieux haut perchés, rocailleux et enneigés, n’y parvenaient plus. Ils sont alors descendus dans les vallées et il devint nécessaire de construire beaucoup de monastères.
Aujourd’hui, de nombreuses monastères Kagyü disent : « Nous allons construire un nouveau bâtiment monastique. » Sans le moindre scrupule, ils abattent la totalité des arbres ou des bois qui avaient naturellement poussé aux environs du site choisi, au risque de détériorer gravement l’environnement. Certains monastères abattent même les arbres de leurs bois pour les vendre. Quand nous faisons cela, nous ne mesurons pas les dommages que nous causons aujourd’hui, mais nous créons des problèmes pour l’environnement tout entier qui apparaissent quelques années plus tard. Le dommage causé à l’essence de la Terre ou à l’essence du site, comme nous l’appelons, nuit considérablement à l’environnement, et nous pensons alors, « Oh, non ! Qu’avons-nous fait ? » Mais si on y pense seulement après, il est trop tard. Il faut vingt ou trente ans pour qu’un arbre arrive à maturité, il ne pousse pas dès sa plantation.
C’est pourquoi il nous faut comprendre clairement, dans tous nos monastères de l’Inde, du Népal et du Tibet, que si nous sommes incapables de considérer la totalité des êtres au sein de l’espace infini, ce n’est pas si important. Par contre, nous vivons sur cette Terre, et tout le monde peut le voir. Si la Terre est détruite par le changement climatique, il n’y aura plus aucun Kagyüpa. Il n’y aura plus aucun Karma Kamtsang. Nous serons tous condamnés. Ne nous imaginons pas que nos protecteurs du dharma et Mahâkâla Bernakchen nous sauverons, que le reste du monde sera détruit et que nous serons épargnés. Voilà qui est exclu. C’est pourquoi nous devons protéger l’environnement. Nous devons assurer l’éducation appropriée dans les monastères. Nous ne devons pas nous acharner à toujours creuser et construire, mais aussi agir pour protéger l’environnement. Les sûtras et les tantras disent que garder propres les monastères et les lieux sacrés apporte d’infinis bienfaits. Il en va de même avec la Terre : la Terre est en grand danger, elle a besoin de nos soins, nous devons donc essayer de contribuer à la défense de l’environnement pour tous les êtres dans le monde. Même si nous ne pouvons rien faire d’autre, il n’est pas très difficile d’expliquer les gestes essentiels à accomplir pour protéger le monde. Vous devez instruire les gens sur cette question et bien leur faire comprendre la situation. Que nous soyons des membres du sangha ou des laïcs, si nous nous soucions chaque jour de la défense de l’environnement, cela aura d’excellents effets.
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La plupart de ceux qui sont réunis ici aujourd’hui, qu’ils soient ou non nés au Tibet, ont des liens avec le dharma, la culture et la langue tibétaines. De plus, la plupart d’entre nous viennent de l’Inde, du Népal, du Bhoutan ou du Sikkim. C’est pourquoi, nous devons tous penser à la défense de l’environnement au Tibet afin de protéger le nôtre : en effet, la plus grande partie de l’eau potable de huit pays d’Asie, y compris l’Inde, provient du Tibet. Si l’environnement du Tibet est souillé, cela risque d’avoir des conséquences très nuisibles pour l’Asie. Si l’écosystème de l’eau est déréglé au Tibet, il en résultera de nombreux problèmes, comme les inondations en aval, dans le Yangzi Jiang. Lorsque ces grands fleuves débordent de leur lit cela provoque d’énormes dégâts, des inondations, entre autres calamités. Le gouvernement chinois projette actuellement de reboiser le Tibet. L’Inde et d’autres pays sont également préoccupés par l’environnement au Tibet, car c’est une question primordiale.
Chaque fois que nous ouvrons la bouche, c’est pour affirmer que le Tibet appartient aux Tibétains, mais que faisons nous, nous autres Tibétains, pour notre pays ? Défendons-nous l’environnement du Tibet ou le détruisons-nous ? Les Tibétains ont conservé d’anciennes croyances héritées de leur tradition. Quand on vivait à proximité d’une montagne grandiose, on la considérait comme la demeure de quelque esprit. C’était un endroit vénéré que nul ne pouvait perturber, exploiter ou creuser. Une forêt imposante, un rocher ou une falaise d’une forme inhabituelle étaient aussi perçus comme abritant des esprits. Cette croyance a été fort utile. Lorsque j’étais jeune, nous n’osions pas aller jouer sur les montagnes sacrées où vivaient les divinités du lieu. Il était impossible de les déranger, nous n’osions même pas nous y aventurer. Il ne nous était pas permis de plonger nos mains dans les torrents qui fournissaient l’eau potable. À la fois pour ne pas les polluer et pour ne pas mettre en colère les nâgas. Pour nous laver les mains ou les pieds, nous devions puiser de l’eau du torrent et nous nettoyer ailleurs. En aucun cas, il n’était permis de se laver, de se baigner, de faire sa lessive, ou de jeter des produits chimiques dans les cours d’eau. Il y avait partout des coutumes à peu près semblables. Mais de nos jours, beaucoup de personnes, surtout les jeunes, disent : « Tout ça relève d’une foi aveugle, ce n’est qu’une croyance religieuse. » La protection de l’environnement qu’imposaient ces conceptions traditionnelles régresse dangereusement. L’approche traditionnelle disparaît sans avoir été relayée par une éducation contemporaine sur la défense de l’environnement.
Au Tibet aujourd’hui, on se soucie surtout de développement économique et d’enrichissement. Il n’est question que de créer des élevages industriels, de construire d’immenses maisons ou d’acheter des voitures. C’est l’état d’esprit dominant. De nos jours, on utilise d’énormes quantités de bois – bien plus qu’avant – pour construire de superbes maisons de style tibétain. Auparavant, seuls les monastères possédaient de telles sculptures et ces décorations, mais de nos jours un grand nombre de maisons de gens ordinaires possèdent des fenêtres élaborées, des encadrements de portes, etc. Tout cela est certes ravissant, mais une grande quantité de bois et de pierres se trouve gaspillée. Si toutes les forêts sont rasées, plus rien ne pourra retenir ou endiguer les inondations. Il n’y aura plus rien pour contenir les tremblements de terre.
Aujourd’hui, on trouve beaucoup d’élevages industriels produisant de la viande. Cela n’existait pas auparavant au Tibet, ce n’était pas nécessaire. L’élevage industriel facilite le travail. On trouve des élevages de porcs, de poulets, de canards et de bovins. On fait des piqûres aux animaux pour les engraisser et on leur administre toutes sortes de drogues. Les élevages industriels s’agrandissent et tout ce bétail produit d’énormes quantités de fumier et de méthane qui polluent l’environnement et l’air pur. Nous devons réfléchir sérieusement à tout cela. Le Tibet, le toit du monde, est propre et pur. C’est notre magnifique pays. Même si d’autres ne peuvent le protéger, nous devons nous garder de l’endommager. Si nous en prenons bien soin, nous les Tibétains, nous n’aurons pas compromis notre honneur et notre responsabilité. Nous avons déjà perdu beaucoup de ce que nous avions, et si nous détruisons ce qui nous reste, il n’y aura plus rien que l’on puisse appeler « tibétain ». Même si un accord était trouvé et que nous puissions obtenir la liberté pour le Tibet, dans quelle sorte de pays natal retournerions-nous ? Nous l’aurions détruit. Si nous le transformons en un immonde dépotoir, la liberté retrouvée ne suffira pas à nous rendre heureux.
L’une des raisons de cette situation, et c’est notre faute, c’est que nous ne nous sommes pas beaucoup intéressés à l’éducation. Plus nous serons concernés par la connaissance de l’environnement, plus nous l’apprécierons et en prendrons soin. Le Tibet possède un environnement exceptionnel, avec son cercle de montagnes enneigées qui le protège de la pollution extérieure. Il est de notre responsabilité que chacun de nous s’informe et protège la pureté et la propreté de cet environnement naturel. Nous devons tous défendre l’environnement du monde entier pour le futur, et tout particulièrement le Tibet et la chaîne himalayenne. Le Tibet recèle probablement la source d’eau potable la plus importante au monde. Nous devons prendre cet aspect en considération, particulièrement dans nos différents monastères. Je pense qu’il serait très bon que chaque monastère en Inde, au Népal ou au Tibet suscite l’intérêt pour la défense de l’environnement. Je ne suis pas un expert des questions environnementales, mais il y a quelques points que nous devrions connaître et appliquer. Si vous pouviez les reprendre dans vos monastères et donner une instruction aux moines et aux fidèles laïcs associés à vos monastères, cela nous profitera en tant que personnes et en tant que communautés.
Le premier point concerne les véhicules. Il arrive souvent que, dès qu’il a terminé la retraite de trois ans, un lama achète un camion. Cela me rappelle un petit moine novice de Tsurpou. À la question : « Que veux-tu faire ? » Il a répondu : « Je veux devenir un lama. » « Que feras-tu lorsque tu seras un lama ? » « Je ferai une retraite de trois ans, j’achèterai le livre de Karma Chakmé sur les rituels de Toh et je voyagerai. » Il avait vu des lamas agir ainsi. C’est donc l’image que les enfants se font des lamas. Chaque lama achète sa propre voiture pour laquelle il faut du carburant. Comme les réserves mondiales de pétrole diminuent, son prix augmente sans arrêt. Pourquoi chaque lama aurait-il besoin d’une voiture particulière ? Chacun veut posséder un véhicule luxueux qui consomme beaucoup d’essence, sinon il ne se sent pas un lama digne de ce nom. Je ne peux que m’étonner du contraste avec la vie des maîtres d’antan, qui mettaient en pratique la limitation des désirs et la satisfaction du peu que l’on a. Les lamas, qu’ils soient ou non des moines, sont des pratiquants du dharma. Cela signifie qu’ils devraient éprouver peu de désirs et se contenter de ce qu’ils possèdent. Ils ne devraient pas courir après les huit dharmas mondains de cette vie, même s’ils sont naturellement sollicités. De nos jours, cela ne se passe pas comme ça. C’est un problème. Nous devons repenser la nécessité d’acheter autant de voitures, en particulier celles qui consomment beaucoup de carburant. Nous devons cultiver la sobriété. Ces habitudes sont aussi nuisibles pour nos rapports avec la population locale. La plupart d’entre nous ici, en Inde, sommes des réfugiés. Les gens d’ici deviendront jaloux si nous conduisons des voitures plus luxueuses que les leurs. C’est déplacé et inutile.
Le deuxième point concerne l’électricité. Dans les régions reculées du Tibet on utilise l’énergie solaire et les éoliennes. C’est une bonne chose. Il est coûteux de produire de l’électricité, et l’utiliser sans se soucier des répercussions sur l’environnement est destructeur. Au monastère de Tsurpou, il n’y avait pas d’électricité mais on a installé des panneaux solaires. Les panneaux solaires sont encore assez chers. Cela peut revenir très cher de fournir l’énergie suffisante pour un grand bâtiment. Mais les énergies solaire et éolienne sont rentables car les coûts d’exploitation sont nuls et elles ne nuisent pas à l’environnement. Au Tibet, sur le toit du monde, le soleil brille très fort et beaucoup de gens utilisent l’électricité solaire. Dans nos monastères, nous sommes nombreux et nous avons de grosses dépenses d’électricité. Comme nous payons déjà pour l’électricité, nous devons réfléchir aux moyens de l’économiser. Ne laissez pas les lumières allumées pendant la journée quand il fait beau.
Le troisième point concerne la reforestation. Nous, bhiksus, n’avons pas le droit de couper des arbres ni aucune plante qui a des racines et porte des fruits. Telle est l’immense résolution du Seigneur Bouddha. Non seulement les bhiksus, mais nous tous devons garder cela en mémoire. L’oxygène pour toutes les créatures vivantes en ce monde provient des arbres et des plantes. Donc, si nous pouvons planter ne serait-ce qu’un arbre, cela aidera sans doute un grand nombre de créatures à survivre. Parfois, je pense même qu’il serait préférable de planter un seul arbre que de procéder à la libération de la vie de nombreux êtres.
L’année dernière, je vous ai parlé de faire des libérations de vie, d’arrêter de manger de la viande, et de devenir végétarien, tout cela pour la longue vie de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, de moi-même, et de nombreux lamas de notre lignée qui sont devenus âgés, afin qu’ils puissent continuer à rester longtemps parmi nous. Cette année, je pense qu’il serait bon que chacun de nos monastères plante un millier d’arbres, sinon plus. Quand je parle de planter, cela ne signifie pas qu’il faut le faire absolument tout près du monastère. Vous pouvez vous associer avec des groupes qui reboisent des forêts ou aider des personnes qui plantent des arbres. Cela concerne les monastères qui en ont les moyens. Si vous n’avez pas les ressources nécessaires, c’est une autre question. Il existe, cependant, des monastères qui ont quelque richesse et sont disposés à agir pour la longue vie de leur lama. Ma recommandation particulière pour cette année est que chaque monastère plante au moins un ou deux milliers d’arbres. Si les monastères ne le peuvent, les moines peuvent planter eux-mêmes des arbres. Les bienfaiteurs sont également les bienvenus. La plupart des moines ne disent pas qu’ils possèdent beaucoup d’argent, et je ne sais comment ils dépensent cet argent. Il serait sans doute bon que nous puissions créer une belle forêt verdoyante pour le bénéfice de toutes les créatures vivantes, tout particulièrement au Tibet. Le Tibet couvre une vaste superficie et nous pouvons planter autant d’arbres que nous le voulons. Si les monastères doivent abattre des arbres, il serait profitable pour eux de planter plus d’arbres qu’ils n’en coupent. Abattre des arbres sans en replanter est par excellence le type d’acte susceptible de mécontenter les divinités du lieu et les nâgas.
Le quatrième point ne relève pas de notre responsabilité de moines car les moines ne cultivent pas la terre. Par contre, les agriculteurs utilisent différents types d’engrais chimiques pour accélérer la croissance de leurs cultures. La première récolte est abondante, mais ensuite, le sol perd de sa fertilité et devient semblable à du sable, d’après ce que l’on m’a dit. Cette stérilité est due aux engrais chimiques qui épuisent le sol. Il y a de nombreuses exploitations agricoles au Tibet. Lorsque nous cultivons ce que nous avons planté, nous ne devrions pas estimer que puisqu’il s’agit de notre champ nous pouvons y faire ce que nous voulons. C’est une question à laquelle nous devons réfléchir. L’autre, c’est que l’utilisation d’engrais chimiques épuise la fertilité de très vastes zones de culture. Les moines n’ont pas besoin de travailler eux-mêmes dans les champs, mais ils ont de nombreux amis et parents qui le font. À moins d’un effort général et collectif, il sera difficile de défendre l’environnement.
En résumé, pour ce qui est de l’espèce humaine, deux conditions nous poussent à agir. La première c’est la peur. Tous les êtres, y compris les animaux, sont mus par la peur. Ils sentent un péril pour leur existence, éprouvent de la peur, voire de la terreur, et trouvent alors un moyen de résoudre le problème rencontré. Par contre, je pense qu’aller de l’avant parce qu’on y voit un avantage ou un bénéfice est certainement pour l’essentiel l’affaire des humains. Nous disposons d’un cerveau et d’une intelligence. Pourtant, malgré ce cerveau et cette intelligence, si chacun de nous se contente de vivre sans agir à bon escient, il ne sera qu’une bouche supplémentaire à nourrir, une personne de plus qui occupe de l’espace, un corps de plus qui s’entasse dans le monde. Il n’en résultera pas le moindre bénéfice. Vivant dans le monde, nous devons faire preuve d’intelligence et définir notre vision de l’avenir. Je pense que ce n’est qu’à cette condition que notre existence ici-bas aura un sens. Nous ne nous contenterons plus d’occuper de l’espace. Nous serons utiles aux autres créatures qui cohabitent avec nous sur cette Terre. Défendre l’environnement est une question importante dans le monde aujourd’hui. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je tremble sur ce trône et que j’en parle. Le Seigneur Bouddha et nombre d’anciens maîtres sages et réalisés qui l’ont suivi, ont laissé il y a bien longtemps des prophéties sur la dégénérescence qui toucherait les temps à venir : l’environnement se dégradera et les êtres qui y vivront seront eux aussi atteints de dégénérescence. Tels sont les avertissements des anciens maîtres. Or, nous ne leur prêtons aucune attention. Les gens se contentent de répéter ce qu’ils entendent ici ou là.
Je voudrais vous raconter une histoire. Lors des soulèvements au Tibet dans les années cinquante, l’incarnation précédente de Pawo Rinpoché a relu les prophéties de Gourou Rinpoché et il a pensé : « Voilà probablement ce qui va se produire. » Il les a montrées à son intendant et lui a dit : « Voilà ce qui va arriver. Ce sont les prophéties de Gourou Rinpoché. Nous devons fuir en exil, nous ne pouvons pas rester. » À chaque fois qu’il les montrait à son intendant, celui-ci répondait : « Qu’il en soit ainsi ! Je prends refuge ! » L’intendant les touchait du front et les rangeait. Plus tard, la situation a empiré, même le Karmapa est parti en Inde. Lorsque Pawo Rinpoché l’a su, il a dit : « Les prophéties l’avaient prédit. Même le Karmapa est parti. Nous ferions mieux de partir sinon que va-t-il nous arriver ? » L’intendant a répondu : « Comment le pourrions-nous ? Il y a les trois grands monastères de Sera, Drepung et Ganden, et le Potala, le palais du gouvernement tibétain. Il n’est pas si simple de partir. Si vous préparez votre fuite, vous ruinez toute possibilité de rester. » Il a complètement refusé de faire quoi que ce soit pour partir. Soit il n’était pas instruit, soit il était trop confiant car il n’avait jamais traversé de situation aussi difficile. En fin de compte, l’intendant n’a pas pu se réfugier en Inde et il a terriblement souffert. Il a été envoyé dans des camps de rééducation où il a été torturé, battu, et finalement il est mort. Il en va de même pour nous.
Le Seigneur Bouddha et les maîtres d’autrefois ont beaucoup parlé de la façon dont nous devions défendre l’environnement, les forêts et les arbres. Mais quand nous les entendons, nous nous contentons de toucher le livre du front et de répéter « Je prends refuge ! » Souvent nous prononçons de belles et éloquentes paroles : « Puisse-t-il en être ainsi ! Puisse cela profiter à tous ! Puisse cela advenir ! Puisse cela s’étendre à tous les êtres dans l’espace ! Puisse-t-il en être ainsi ! » Mais ces belles paroles ne sont guère suivies d’actes concrets. Nous errons encore dans l’océan des souffrances du samsâra car nos souhaits et nos actions se contredisent. Si nous persévérons sur cette voie, nous resterons à jamais prisonniers du samsâra. S’il vous plaît, réfléchissez-y.
mettre en harmonie souhaits et actions
RépondreSupprimeron oublie souvent que la voie du Bouddha n'est pas que méditation, mais aussi sagesse et action (Sila, Samadhi & Prajna)
merci à toi
sagesse et action...juste, oui exactement c'est ainsi que je ressens le bouddhisme
RépondreSupprimerun lotus pour toi